top of page

Carnets de Voyage



Re-lisez Tintin au Tibet, re-regardez "7 ans au Tibet" ou alors suivez-nous au fil des jours, des pages, des lettres et des photos, dans la grande aventure que sera ce séjour d'un mois et demi au Ladakh.

Le lendemain matin, petit déjeuner ladakho-européen : chapati + beurre / confiture transgénique (qui rappelle la gelée à la fraise qu'on donne aux enfants quand ils sont constipés). Une confiture étiquetée "continental" (continintôl), alors que les ladakhis font de la confiture d'abricot à se taper le cul par terre ! Le petit déjeuner terminé, la maîtresse de maison nous amène un lunch-pack. Au menu, patate bouillie (qui se révèlera plus "al dente" que bouillie d'ailleurs), un morceau de chocolat, une brique de jus de fruits et un gros pain chapati (on commence à les connaitre ces pains). Ce système de homestays est bien pratique car c'est une rentrée d'argent directe chez les locaux, sans intermédiaire, et qu'on est vraiment plongés dans la vie quotidienne des familles. La veille, Rigzin, notre hôte, m'a indiqué qu'elle allait voir les vaches donc j'en ai déduis qu'elle allait les traire. Là le cerveau fait "tilt" -> super image - je prends l'appareil photo, le trépied et je la rattrape en courant pour arriver dans un champs (inondé) où se trouvent tous les animaux ; et là, surprise, elle me tend trois cordelettes, avec, au bout des cordelettes, des dzôs que je dois ramener à la casa. Donc retour en tongues à travers le champs-rizières, le trépied et l'appareil photo dans la main gauche, les trois dzô dans la main droite - eeet roule ma poule!

 

Deuxième jour : ascension du Kandala. "La" signifie "col" en ladakhi -> les petits futés feront vite le rapprochement avec "la-dakh" = pays des cols (et non pas "pays d'école" comme le pensaient Gaëtan et Jacques, ces grands esprits). Bref, réveil à l'aube, petit dej de chef et nous voilà repartis, les trois ploucs et les deux supers-grimpeurs, pour 4h de grimpette et plus de 1000m de dénivelé. Repassage par la vallée et plusieurs "base camps" avant d'arriver à l'ultime camp avant la véritable ascension bien trash (700m d'un coup).

On se pose, on prend un black tea pas très black, on souffle, on se plaint un peu, on papote, et puis on re hisse nos sacs sur nos épaules, les trépieds en bandoulière et c'est parti. On marche, on monte, on se hisse, on peine, on crache, on râle, on fait un pas, puis un autre et encore un autre, toujours en montant... Et puis derrière nous, des cris : au fond en bas, le petit monsieur du base camps où l'on avait fait la dernière pause, qui vocifère et gesticule en agitant un truc. Et le truc, c'est le super bob-mou-fané-dégueu de Michel, notre phare dans la nuit. Pendant 5secondes, il affirme avoir pensé à l'abandonner en bas. Et puis il est finalement redescendu le chercher à coup de "Nâââân ! Faaaaaait chieeeer ! Oh putin! etc" Fallait que ça tomber sur lui :D Quand il est finalement remonté, il était accompagné du chien du base camps, sorte de border collie (option puces XXL). Le chien nous a accompagné jusqu'au sommet, en imposant parfois son rythme (il marchait devant Charles ou Yurena qui étaient quasi toujours en tête). L'ascension a donc continué. Toutes les 10 secondes, quand on se retournait, on avait un paysage différent sous les yeux. D'énormes montagnes beiges, rosées, parsemées de buissons, notamment de menthe.

 

Notre présence était parfois annoncée par un concert de couinements de marmotte, ce qui rendait Kiki (le chien du base camps - le pauvre n'a pas trop eu le choix du surnom qui lui a été donné) un peu nerveux. sur les 200 dernières mètres, à chaque courbe du chemin, on pensait que c'était le sommet mais comme pour les mirages dans le désert, l'arrivée n'en finissait pas de reculer. On a quand même fait un stop à 4814m pour marquer le coup : même hauteur que le Mont Blanc, yahouuuuuu !

 

Pour fêter ça on a mangé un snickers (c'est la première fois qu'on tombait sur de la nourriture "empaquetée" qui n'était pas périmée, à Leh ! Du coup on en avait acheté 4 tonnes en prévision du trek. Par contre maintenant c'est bon, faut plus nous parler de snickers pendant les 10 prochaines années). Puis on a rassemblé nos forces pour les 100 dernières mètres de dénivelé -> "rah hu, hii, gnnn, pfff, argh etc". Et puis le col, enfin : un monticule de pierres surplombées d'une cascade de drapeaux multicolores tibétains secoués par de grandes rafales de vent. Les fesses en compotes et les cuisses en feu, (+ les adducteurs en vrac pour Michel), on s'est installés là pour une pause lunch d'1h30, au soleil et abrités du vent (c'est là que l'on a pu déguster la fameuse patate al dente). Même Kiki n'en a pas voulu.

 

Après une mini sieste (à la mexicaine pour Michel : le bob, tel un sombrero, renversé sur la figure) et plusieurs longs plans des cols qui nous entouraient pour Gaëtan et moi (ok, Michel a aussi tourné. Je le dis sinon il va encore gueuler parce que je le décris comme un plouc), on a entamé la descente. Et là, c'était la fin des genoux ! D'autant que l'élan donné par la descente nous faisait vraiment tracer et on avançait comme des pantins désarticulés, un peu fébriles, les jambes en guimauves, à se prendre tous les cailloux du chemin. Décidément, que ce soit en montée ou en descente, on n'avait pas trop la classe. 3h plus tard, on rejoignait Charles et Yurena affalés dans un base-camps (on essayait de faire des plans à chaque fois qu'on en avait l'occasion mais c'était tellement casse-pieds (je reste polie) de devoir à chaque fois sortir le trépied de sa housse, l'installer, le fixer, sortir la caméra/l'appareil, l'ajuster sur le trépied, filmer 15secondes et re ranger chaque chose... qu'on a vraiment fait une sélection. On est quand même arrivés une bonne demi-heure après eux. Et le pire c'est qu'après s'être posés comme des phoques échoués, sur les petits bancs du base camps pendant 20min, quand on est repartis en direction de Sku (prochaine étape sur notre trajet), on est finalement tombés sur un ptit bled : Shingo, 6 maisons construites à flanc de montage, de part et d'autre d'une jolie rivière. Et là on a appris que Sku était à 3h de là où on se trouvait (il était environ 17h et on marchait depuis 7h du matin). Quand la fille qui tenait le homestay nous a annoncé qu'elle cuisinait des momos pour le soir, on n'a pas hésité plus longtemps : dodo à Shingo !

 

Et puis d'autres trekkeurs ont progressivement débarqué et l'on s'est retrouvés à 9. La préparation des momos (petits beignets de légumes cuits à la vapeur) n'est pas vraiment rapide et pour être calé avec ça, il en faut au moins 10 par personne du coup on commençait à imaginer le pire. Et comme à chaque fois dans ces moments là, on s'est imaginé manger des spaghettis bolo, du gratin dauphinois, de l'américain-roquette (pour les belges) et autres délices complètement inaccessibles dans ce trou perdu. Au final, on a même envisagé de bouffer le gamin de la guest house : un petit ladakhi rigolard aux joues dodues. Yum ! MAIS on a finalement opté pour une solution plus sage en proposant à Tchering (notre hôte) de lui donner un coup de main. Et nous voilà à 5 dans une cuisine de 4m2, assis par terre, à tenter de faire des momos, chacun avec un style bien particulier : ceux de gaëtan et les miens ressemblaient à des coquillages transgéniques, et ceux de jacques ressemblaient à de petits gants-de-toilettes flétris. Au final, ce furent les plus mauvais momos que l'on ai jamais mangé. En sortant nous brosser les dents dehors vers 20h30, on s'est tous retrouvés sous un ciel à couper le souffle : des milliards d'étoiles, plus que je n'en ai jamais vues, une impression de profondeur et d'immensité ("absolutely amaaaaaazing"). On voyait même de grandes trainées blanches dans le ciel comme autant d'autres galaxies. C'était magnifique.

Le lendemain matin, lundi 26 août, troisième et dernier jour : on repart, toujours en descente, vers Sku. On mettra finalement 2h pour atteindre les 3 maisons et demi qui composent cette étape. Petite pause d'une-demi heure avant de reremplir nos bouteilles avec de l'eau filtrée (grâce à une ONG française qui a fait quelques miracles dans la région à ce niveau là - cocorico). Le trajet jusqu'à Kaya, le village suivant était encore sympa : le paysage, comme dans beaucoup d'endroits au Ladakh, rappelait un peu le sud de la France, ou les Landes : des chemins sablonneux entourés de végétations ou de conifères, et partout des lauriers roses, des hibiscus, des oliviers, des lavandes.... ! A partir de Kaya, la route est devenue pénible : gros cailloux et morceaux d'ardoise puis carrément grosse route serpentant à travers les montagnes, et REMONTANT (alors qu'on pensait en avoir fini pour de bon avec les montées) mais le pire c'était le soleil. Aucune ombre et presque plus d'eau, un vent chaud et sec qui nous soufflait dans la poire, la peau qui brûle, les lèvres qui gercent, les jambes qui titubent et toujours pas de rivière à l'horizon. (L'arrivée devait nous être signalée par la présence de la Zanskar river).

On continue comme ça pendant 2 bonnes heures, franchement crevés et avec le corps qui commençait à nous dire "merde" : genoux foutraques, gorge desséchée, jambes en béton armé, quelques petites ampoules qui se rappelaient régulièrement à notre bon souvenir etc. Et puis la descente ! A la vue des multiples zigzag de routes qui s'étendaient devant nous, Charles et Yurena ont décidé de couper tout droit dans la caillasse. On les a suivi aveuglément, avec la même confiance que des moutons envers leur berger. Et puis voilà : la rivière et le pass : un grand câble tendu entre les deux rives. Et là, on se rend compte que:

1/ il y a un énorme pont cassé au milieu de la rivière, là où nous devons justement passer

2/ il n'y a pas un chat pour nous aider.


Trop fatigués pour s'affoler, on s'échine juste à pousser quelques gueulantes, à faire résonner nos "hééééééhoooooo" dans la vallée, en espérant qu'un responsable se pointe. Au final, on avise une petite cagette en bois que l'on peut tirer vers nous pour y monter, avant de traverser les flots. En face, deux petites silhouettes débarquent soudain, ils nous lancent la cagette que Charles hisse. Premier envoi : Gaëtan, moi et nos sacs. Et c'est parti pour la croisière internationale. En trois secondes c'est réglé. Les deux hommes (des chauffeurs de taxi envoyés par leur agence pour récupérer des touristes) nous débarquent. 2ème envoi, Michel et tous les gros sacs. Gaëtan file un coup de main aux gars pour le hisser, sous les encouragements de Michel "allez faignasse !". Et puis enfin, Charles et Yurena. Nous voilà de l'autre côté et après moulte négociations, l'un des chauffeur accepte de nous avancer jusqu'à Chilling (next bled sur la carte). De là, on appelle un taxi à Leh, pour qu'il vienne nous chercher (comptons environ deux bonnes heures de routes depuis Leh). On mange notre pack lunch, on constate les dégâts sur nos pieds meurtris, et on attend. Sauf que Michel, ce chameau, manque d'eau. Suivant les indications de Charles qui s'était tapé l'ascension jusqu'au village pour appeler le taxi, on monte, en quête de "cold drinks". Et ce qui ne devait être qu'une petite trotte se révéla une ascension-catastrophe, grâce à l'absence totale de logique/mémoire de Michel, ce grand chef scout, qui n'a écouté que la moitié des infos. Résultat on s'est tapé l'ascension de la montagne par son autre versant, en traversant des buissons de ronces, en remontant un "aqueduc" (petit chemin de graviers rempli de flotte, qui alimente le village en eau) en TONGUES, avant de se retrouver devant.... RIEN. Donc on fait demi-tour (re aqueduc, re ronces) et puis Michel, notre lumière, notre phare dans la nuit, a avisé une souche d'arbre et s'est dit que le village était derrière. On escalade et on se retrouve dans un cimetière rempli d'orties (que l'on traverse évidemment) avant d'entendre les premiers bruits humains. On finit par rencontrer une petite dame à qui on explique ce qu'on cherche. Elle nous indique qu'elle va nous guider vers là où on trouve les cold drinks - "trop sympa" dit Michel - certes, si ce n'est que le chemin que la petite dame emprunte semble nous conduire vers là d'où on vient. Et ça se confirme au bout de 5 min (sauf que elle, elle connait le chemin sans l'aqueduc et sans les ronces) et nous voilà reviendus au point de départ sauf que le détail, c'est que la petite dame était la patronne du "café" à côté duquel on s'était installé et qui était fermé. Pas tout à fait foireux donc.

 

Le trajet en taxi a mis 2 heures (et ont certainement parues très longues à Gaëtan qui faisait un infarctus à chaque tournant de la route ; il faut dire qu'on en avait pour une bonne heure et demi à serpenter sur cette petite route de montagne et le chauffeur qui voulait éviter d'y conduire la nuit, appuyait sur le champignon - et on a beau se dire qu'il connaissait bien la route, on a eu quelques frayeurs). Le soir, dîner-réconfort : PIZZA! Le lendemain, on a passé la journée à marcher comme des robots et à du 3km/h. On a pris plusieurs heures pour "dérusher" (= revisionner chaque plan pour faire une sélection, histoire de gagner du temps au montage). Et puis on a retrouvé Charles et Yurena qui nous avaient donné RDV dans THE super resto de Leh, une tuerie gastronomique dont on n'avait jamais entendu parler. Effectivement, le cadre différait largement du reste de l'Inde (ne serait-ce que par le calme qui y régnait) et les assiettes, millediou ! On s'est régalés - du poulet, de la salade, de la purée de pomme de terre maison (madeleine de Proust bonjour) -  la surprise de la soirée restant le dessert : des momos au chocolat !! Des bouchée de bonheur (Michel avait des coeurs dans les yeux) avec du vrai chocolat fondu/fondant.

 

Depuis, c'est le calme plat (tant mieux, sinon le mail aurait fait 6km) si ce n'est une petite aventure caféïnée pour Gaëtan qui a eu la joie et l'honneur d'avaler une mouche en prenant une grande gorgée de son café latte (le truc qu'on ne se permet déjà pas souvent, DONC qui se savoure). Là, ce n'était pas une mouchette ou un petit truc volant genre "moucheron", non c'était une MOUCHE, bien grosse, bien noire, bien dodue, ayant déjà voyagé sur les multiples crottes qui décorent la ville. Après qu'il ait à moitié vomi sur la table et alors que le vert de son visage redevenait progressivement "beige", il en a repêchée une autre qui avait coulé au fond de sa tasse. Ceux qui le connaissent n'imaginent que trop bien l'effet que ça a eu sur lui :D Du coup, "plus jamais de café en inde" (ça ne fait que s'ajouter au "plus jamais de lassi" et "plus jamais de fruits" ou encore "plus jamais de légumes" - à ce rythme il ne mangera bientôt plus que des cacahuètes).

Aujourd'hui, nous nous sommes rendus dans la Druk White Lotus School pour y confirmer les autorisations de tournage.

 

NEWS III SUITE ET FIN DU PERIPLE

Plus que quelques jours en Inde. 2 au Ladakh et 3 à Delhi et ça va passer super vite.


Pas grand chose de nouveau depuis le dernier mail, la majorité du docu est tournée, on stress pour les dernières images et derniers sons que l'on pourrait avoir oublié, on fait des listes et des listes de listes. Notre rythme de travail a été ralenti par un festival de conférence au monastère de Hemis. Il semble que toutes les personnes que nous souhaitions interviewer ces jours-ci, s'y soient rendues. Le festival vient de se terminer, on a donc quelques rencontres à rattraper.

 

La semaine dernière, nous sommes allés à la Druk White Lotus School (véritable nom : "Druk Patma Karpo School") où le directeur de l'école - super bonhomme - nous a tout expliqué.

 

Quelques jours plus tard, nous y sommes retournés pour l'inauguration de la "plant nursery", une petite serre et un petit potager alimentés par l'eau de la cuisine et de l'engrais made in WC de l'école. Les enfants avaient préparé une série de danses et de chants traditionnels car "son éminence" le grand Rimpoche (un titre religieux du Bouddhisme) était l'invité d'honneur. C'est lui qui a fondé l'école et on trouve des portraits géants un peu partout sur le campus. Nous qui pensions assister à une petite kermesse telle que celle que nous avions filmée à Choglamsar, on a été surpris : quand la guest star est arrivée, exit la plant nursery, exit les gamins, tout le monde ne s'intéressait plus qu'à lui. Il a débarqué dans un jeep escortée de 3 autres voitures desquels ont jailli une douzaine de militaires et de membres de sa "security team". Les gamins qui étaient alignés depuis l'entrée, jusqu'à la porte de la "plant nursery" et qui arboraient chacun l'écharpe blanche offerte aux dignitaires religieux, n'ont pu accueillir que les nuages de poussières provoqués par les voitures qui les ont dépassés en 4 secondes et demi. Une flopée de journalistes locaux et étrangers ainsi qu'une marée de touristes (beaucoup de français) convertis et complètement "agaga" devant sa sainteté ont formé un solide bloc autour du Rimpoche dont on ne voyait plus que le petit chapeau bleu.

 

L'une de ces occidentales bouddhisées m'a expliqué avec moulte trémolos dans la voix que son éminence était la réincarnation de je ne sais plus qui, qu'il était très important etc et elle m'a presque engueulée quand je n'ai pas joint mes mains en me penchant vers le sol devant lui quand il est passé. Cette adoration aveugle et revendiquée, parfois violemment, nous a un peu gonflé. D'autant que quand nous sommes retournés sous le chapiteau où les danses devaient avoir lieu, une trentaine de moines ainsi que ces touristes traités comme des stars étaient confortablement installés, à siroter du jus, du thé et des petits gâteaux, pendant que les familles des élèves s'amassaient par terre, autour de "l'arène" délimitée par des tentures. Les convertis - décidément plus "radicaux" dans leur pratique de la foi - poussaient les ladakhis sans ménagement pour être au plus près de Sa Sainteté, ils pestaient quand on oubliait de leur amener du jus d'orange. Et ces mêmes personnes étalaient ensuite leur "expérience" de l'Inde et du Bouddhisme avec ostentation, oubliant qu'ils se trouvaient dans un village de l'himalaya entourés de personnes ayant grandi avec le bouddhisme et pour qui la religion représentait parfois bien plus qu'un culte (notamment pour les réfugiés tibétains, "solidarisés" par le Dalaï Lama - et qui n'en font pourtant pas trois tonnes). Bref, spectacle un peu décevant.

Cette soirée fut aussi la soirée de Michel qui, en moins de 3 heures, a perdu son sac (qui contenait du matos et des éléments du docu très importants) au milieu des élèves assis dans l'arène. Heureusement (pour lui) il l'a retrouvé. Pour rentrer à Leh, on a fait du stop et un petit monsieur tout sympa nous a déposés dans la vieille ville. On remonte (sur 1,5km environ) vers notre petit resto préféré et au moment de commander, Michel, ce héro, a réalisé qu'il avait perdu la sacoche dans laquelle il regroupe quelques petits trucs comme son passeport, ses sous, sa carte de crédit et autres DETAILS. S'ensuit une crise de panique, de rage, de stress et voilà notre Michel (inter)national reparti sur le chemin parcouru depuis que le petit monsieur nous avait déposé en ville. Et croyez-le ou pas, mais ce veinard a vraiment une bonne étoile car il a retrouvé sa sacoche à l'endroit même où nous étions descendus !

 

Autre événement qui vaut un paragraphe : notre séjour au Pangong Lake. 6h de route et un pass à 5300m, de nouveau des paysages magnifiques. Le lac est devenu célèbre après avoir été le théâtre de la scène finale d'un film qui a fait fureur il y a deux ans en Inde : 3 idiots. Une scène du film se passe aussi dans la Druk White Lotus School - désormais surnommée "Rancho school", du nom du personnage principal. Le film a eu un tel succès qu'il a hissé l'école au rang de "monument touristique incontournable". Pour en revenir au lac, imaginez-vous un dédale de montagnes brunes, rosées, beiges ou grises, décorées par les ombres des nuages ; un paysage de rocs et de cailloux avec à peine quelques brins d'herbe, et puis, au détour d'un virage, un tache bleue turquoise. Le lac est alimenté par les glaciers alentours et quand il y a du soleil, il est d'un bleu saisissant - le coin est très "ventu" du coup sa couleur ne cesse de changer - c'est magnifique ! On a dormi sur place, chez l'habitant (toujours le système des homestays) avant de repartir le lendemain matin vers 11h, toujours en suivant les précieux conseils du government of India qui parsèment les routes de montagnes et rivalisent d'originalité :
- "Leave early, drive slowly, reach safely"
- "After whisky, drive slowly"
- "Better late than never" (le préféré de Gaëtan)
- "Life is short, don't make it shorter"
- "Have another day"
- "Drive like hell and you'll be there"
- "If you're married, divorce speed" (comprendre "abandonnez la vitesse")
- "I love you but not so fast"
 Classe hein :D ?

Le lendemain, retour à la Druk White Lotus School, toujours en prenant le car du matin avec les enfants de Leh pour aller filmer la cérémonie du mercredi matin, lors de laquelle ils célèbrent la culture ladakhi : prières et mantras pendant 45 minutes. Jacques et Gaëtan en ont profité pour taper un mini foot avec deux gamins, sur le chemin du retour. En route vers Leh, on s'est arrêté à la "solar colony" une sorte de camp de reconstruction des foyers détruits par les inondations - regroupés en "villages". Le gouvernement indien a eu la "bonté" d'intervenir pour la reconstruction des maisons, et la bêtise de remplacer les toilettes ladakhis par des toilettes à l'occidentale, avec chasse d'eau, sauf que l'eau gèle 6 mois par an donc les habitants doivent sortir et marcher longtemps (la colonie est située dans une large plaine) pour pouvoir aller au toilettes ! Très futé. Autre cas du même genre - à vérifier cependant - l'intervention d'une ONG australienne ayant construit de petits cubes habitables censés être orientés vers le soleil (donc au sud) - sauf que l'australie étant dans l'hémisphère sud, son soleil est au nord, et du coup, certains blocs on été orientés plein nord de telle sorte que les habitants ne bénéficient absolument pas du soleil, de sa lumière ou de sa chaleur. Ca semble un peu "gros" donc on attend de rencontrer le chef du village lundi matin, qui doit nous expliquer tout ça.

 

L'après-midi, direction Tiksey - petit village dont la renommée est liée à son splendide monastère à flanc de montagne dans lequel vivent de nombreux moines, "de 7 à 77ans" comme dit la chanson. Après une longue trotte sous la cagnasse de Leh, on avise un bus, déjà bien rempli, mais qui semble être le prochain à partir pour Tiksey. En attendant le chauffeur, on s'installe tant bien que mal dans les sièges restants : Jacques au fond du bus, coincé entre un petit monsieur et la fenêtre, les genoux dans les oreilles et les bras enroulés 6 fois, pour tenir dans ce mini espace, Gaëtan devant, à côté d'une petite dame et moi à côté au milieu des sacs (à main et de bouffe) qui semblent avoir été laissés là pour réserver les sièges. Il fait 35° à l'ombre, le bus est bondé et petit à petit, les places "réservées" sont récupérées, mais une se libère à la dernière minute (alleluia) - ça fait 40minutes qu'on attend le départ, sans oser bouger de nos places vue la convoitise. Une douzaine de collégiennes s'entasse entre les sièges, debout (= le bordel). Puis celle qui était le plus loin dans le bus décide de ressortir acheter des trucs à grignoter (re bordel), elle revient et retourne AU FOND du bus avec son butin (= re rebordel) faisant ainsi envie à ses camarades qui ressortent toutes d'un coup (à partir de maintenant, plus de commentaires entre parenthèses, ce serait trop long) : et les voilà qui redébarquent dans le bus, en gueulant, gloussant, poussant, écrasant pieds et trépieds dans une joyeuse allégresse (nos orteils n'ont pas vécu la même chose). Et puis c'est le moment gastronomie : elles déballent leur bâtonnets de glaces et se les font passer à travers le bus pour se faire goûter - et vas-y que ça dégouline (la glace est orange fluo, ça ne se loupe pas) et vas-y que je jette les papiers partout (sur nous aussi, pourquoi pas, tant qu'à y être allons-y gaiement). Après l'échange de glaces et sorbets et cacahuètes et chips et autres trucs qui coulent, collent, s'émiettent et ornent les cuirs chevelus des passagers assis, de l'arrière du bus, monte une clameur. Ou presque : dernière nous, c'est finalement un bébé qui est passé de mains en mains pour atterrir dans celles de la collégienne la plus proche de la porte du bus. Objectif : pipi. Allez hop, au boulot. Puis le bébé chouiniant fait le chemin inverse pour retrouver sa mère. On est toujours là, sous le soleil, dans le bus à l'arrêt, à attendre son altesse le chauffeur, avec du pipi de bébé dans les main (forcément, le petit n'était équipé ni de couche, ni de quoi que ce soit), de la glace sur le bras et des chips dans les cheveux, trépieds et caméras sur les genoux (gloire à celle/celui qui inventera le trépied-éventail ou la caméra+clim), les gloussements des filles et les couinements des bébés en BO, à attendre le départ. Quand le bus s'ébranle enfin, 7 autres personnes viennent s'y accrocher (façon koala : sur le côté du bus en passant les bras dans les fenêtres ouvertes). On est bien lourds et le bus doit s'y prendre à plusieurs reprises pour quitter son "parking". 100m plus loin pourtant, le conducteur qui ne semble pas avoir le sens des réalités, s'arrête pour prendre 3 autres passagers. "Ben oui t'as raison, y a encore plein de place". Ca pousse, ça re écrase, ça te met des bébés sur les genoux avant de les récupérer (tant mieux parce que l'absence de couche à 5cm de la caméra, ça ne plaît qu'à moitié). 300m plus loin, rebelote, 4 autres passagers. A ce stade, on ne sait plus si on doit rire ou s'inquiéter parce que le bus semble à 2cm de racler le sol. Quelques kilomètres plus loin... re rebelote, là ça commence vraiment à user et les nerfs et les orteils et les genoux (un chouilla broyés). Le sommet du calvaire pour Gaëtan, a sans doute été atteint quand le bébé-pisseur-express-sans-couche a éternué, lui envoyant avec générosité un sérieux paquet de molards sur la nuque. Ca a continué comme ça sur une dizaine de kilomètres et puis enfin, notre stop, Tiksey ! Sur le coup, notre joie de quitter ce bus était telle qu'on a presque considéré la conversion et la vie monacale pour éviter (ne serait-ce que d'envisager), un trajet retour similaire.

 

Le monastère de Tiksey, à la hauteur de sa réputation, se perche sur une centaine de mètres autour d'innombrables marches de pierre qui semblent en constituer le squelette. Les toges pourpres des moines décorent ces escaliers ; seuls quelques oiseaux et les jeunes qui essaient une moto en bas, semblaient troubler la quiétude des lieux. Quand on est arrivés, le soleil se couchait et d'en haut, la vue donnait autant sur la chaîne des sommets enneigés que sur les plaines vertes, grises ou jaunes de la vallée. Une fois le soleil couché, il a fallu redescendre et surtout trouver un véhicule pour nous ramener vers Leh où nos copains trekkeurs (Charles et Yurena) nous attendaient pour manger. On a finalement fait du stop jusqu'à Choglamsar, puis jusqu'au bas de Leh avant de tout remonter à pieds vers le resto. Paie ta journée. On était contents d'aller dormir (comme dit Jacques, pour le moindre déplacement, c'est le "chemin de croix").

 

Le lendemain matin, réveil à 5h pour assister au départ du marathon de Leh : 10, 20, 42 ou 75km (le full marathon - 42 c'est pour les petits joueurs, c'est bien connu) à travers la ville et surtout à travers les montagnes, avec un pic à 5600 mètres (les grands malades !) Il y avait des indiens du ladakh et d'ailleurs, des étrangers, des garçons, des filles, des jeunes et des vieux. Mais surtout des jeunes - certains étant équipés de crampons de foot, de converses ou de petites chaussures à boucle, d'autres arborant un voile ou un masque anti-pollution (respiration ????). On en a même vu courir en jeans. Le plus jeune participant avait 10 ans et le plus vieux était un italien de 73 ans (chapeau Papi). Après les arrivées, tous les coureurs se sont regroupés dans la cour d'une école publique où il y avait un concert et ça s'est progressivement transformé en méga fiesta où les jeunes dansaient à fond. L'esprit de la fête s'est propagé et les militaires qui encadraient l'événement ainsi que ceux qui y avaient participé, se sont joints aux danses (et quand on connaît l'exubérance des danses indiennes, ça a de quoi impressionner). Tout le monde connaissait et chantait les paroles des chansons - l'ambiance était vraiment géniale.

Hier, on a fait les dernières interviews à l'école et avons rencontré le paysagiste qui travaillait sur place. Au moment de partir, nous sommes passés chez le directeur pour le saluer une dernière fois et on a eu droit à la petite écharpe blanche habituellement offerte aux diginitaires. "It's our way to say thank you" nous ont-ils dit. On était tout émus et sommes repartis en répétant à haute voix "ils sont supers sympas... ah oui ils sont adorables... qu'est-ce qu'ils sont gentils... c'est fou quand même la gentillesse de ces gens...aaahouiuiui etc."

 

La semaine qui arrive sera ponctuée des dernières interviews (3 au total) et puis il faudra quitter la fraîcheur de Leh pour débarquer dans la moiteur insolente de Delhi. Autant dire que ça ne nous fait pas rêver. Michel qui n'a jamais vu le Taj, se prend un petit aller-retour à Agra pour tourismer un peu et le 16 à minuit -> INDIRA GANDHI AIRPORT direction Charles de Gaulle (dépaysement bonjour), où nous attendrons pendant une heure le thalys pour Bruxelles (heure que nous avons dores et déjà consacrée à un petit déj du feu de dieu : café/croissant/journal). Bien qu'on essaie de lire les news dès que possible, on est pas mal coupés du monde et le Times of India mentionne plus les faits divers sordides (viols, agressions, accidents de la route...) que les grands événements de l'international. Enfin, d'ici là, on en reste aux emails.

ON EST REVIENDUS !

Nous voilà rentrés en Europe - pas fâchés de quitter l'insupportable moiteur de Delhi qui nous faisait transpirer comme des grosses vaches ! On se donne quelques jours pour atterrir puis on entamera toute la post-production : derushage, tri, coupes, montage, mixage et compagnie. On a hâte de vous montrer tout ça !

Ca sera certainement moins rocambolesque, mais continuez à suivre le blog - on y postera les avancées du montage du documentaire et vous tiendrons au courant de la suite des événements. Encore merci à tous les crowdfunders pour leur soutien ! Au delà du tournage du docu, on a passé un mois et demi riche en rencontres, paysages et aventurettes que l'on n'est pas prêts d'oublier. Merci merci !

bottom of page